par Alina Roşu / G. D. Falksen
traduit de l’anglais par Cristina Anghel
Monsieur G.D. Falksen est un écrivain et étudiant en histoire. À travers son oeuvre de fiction, il visite de nombreux genres littéraires comme la fiction historique, le steampunk, la science fiction et la fantasy, le horror, le polar, l’espionnage. Sa recherche universitaire porte speécialement sur l’histoire de la technologie au 19ème et 20ème siècle et son impact sur la société. Sa prose a été publiée dans Steampunk Tales, The Willows Magazine et Steampunk Magazine; ses travaux scientifiques dans Egophobia, The Chap et Marie Claire Italie . Ses témoignages sont parus dans le New York Times, le San Francisco Chronicle, le Hartford Courant, et d’autres publications américaines ainsi que sur MTV.
G.D. Falksen travaille actuellement à l’écriture d’un roman situé dans les Cités de l’Éther. Ce roman sera publié cette année chez Dragoncon, d’Atlanta(Géorgie) et sera représenté par l’agence Dystel & Goderich Literary Management agency. Mr. Falksen tient aussi des conférences sur le genre steampunk et la culture populaire qui lui est associée.
[G. D.Falksen © 2008, photo de Tarilyn Quinn ]
Durant nos échanges préliminaires à une interview, M. Falksen a eu la bienveillance de me faire parvenir plusieurs notes de recherche sur l’évolution du phénomène steampunk. Je les soumets à nos lecteurs intégralement, tout en les invitant à un dialogue plus approfondi avec G.D. Falksen dans les pages d’EgoPHobia.
Alina Roşu
Bien que le steampunk ne soit pas l’unique genre littéraire dont je traite, c’est celui qui a suscité le plus d’attention dernièrement. Et surtout, il recoupe admirablement mon domaine de recherche. En plus de la pratique du genre littéraire associé, je m’intéresse naturellement aux liens entre la fiction steampunk et les faits historiques dans le cadre de la technologie du 19e siècle. Le parallèle entre la société contemporaine et la société m’a toujours fasciné.
Il existe de nombreuses similitudes malgré les différences de norme culturelle. L’ère industrielle a entraîné le développement des emplois de bureau, des transports en commun, des médias, l’avènement de la classe moyenne et de beaucoup d’autres aspects du quotidien occidental. À bien des égards, la seule différence entre une société steampunk (ou une société moderne vue sous l’angle victorien) et l’âge de la vapeur réside dans le niveau de développement de la technologie ; la structure sociale quant à elle reste inspirée de celle du 19ème.
J’ai suivi de près le développement fascinant de la culture steampunk depuis ses débuts au milieu des années 2000. Mon activité littéraire, mon profil scientifique et ma passion pour la mode victorienne ont naturellement engendré un intérêt pour le steampunk.. Ainsi, j’ai pu suivre l’évolution de la communauté internet steampunk, plus particulièrement sur le site collaboratif Steamfashion on Livejournal. D’ailleurs, c’est sur Steamfashion que j’ai posté des travaux sur l’intersection entre l’esthétique du genre steampunk et l’ère victorienne (http://squirrelmadness.livejournal.com/).
Ce style néo-vintage est incroyablement diversifié. Bien sûr, le steampunk est naturellement associé à l’Angleterre victorienne de la dernière moitié ou même du dernier quart du 19ème. Pour le grand public, l’époque victorienne reste la référence en matière d’influence; néanmoins le steampunk puise ses inspirations dans plus d’un siècle, de la fin des guerres napoléoniennes à la première guerre mondiale, et sort aussi du cadre unique de la société britannique, en englobant toutes les cultures. Au 19ème siècle, le monde industriel et sa fascination pour l’exploration et la colonisation des autres cultures moins développées ont fini par altérer les territoires colonisés par simple souci de « modernisation ». La vision d’un monde où l’industrie de la vapeur serait très développée permet aussi d’imaginer le caractère innovant du brassage des styles et des courants artistiques de l’époque. Ainsi, des vêtements en brocart ou soie japonaise n’auraient rien d’extravagant dans le monde envisagé par le courant steampunk.
Le courant steampunk doit une part de son succès underground à son attachement à l’époque victorienne, bastion de la beauté, de la pérennité, de l’unicité des choses. D’ailleurs ce qu’on considère aujourd’hui comme étant des tenues élégantes, les costumes trois-pièces ou même les deux-pièces étaient monnaie courante dans la garde-robe quotidienne victorienne et par extension, steampunk. Le combo t-shirt et jean serait impensable dans la mode steampunk, tout comme l’usage de la micro-informatique et de la téléphonie mobile, sujettes à l’obsolescence, rebuterait la société victorienne. L’artisanat steampunk associe à la fois l’assentiment des avantages de la production industrielle et le respect du travail de l’artisan professionnel. Cette logique du respect se différencie de celle de la dévalorisation de l’artisanat au profit d’un bricolage bancal dans la société du 20ème siècle. Personnellement, je suis très attaché à l’importance accordée à l’objet bien réalisé, d’apparence soignée, fait pour durer et surtout issu d’un savant mélange de savoir-faire et technologie. Je crois à la valeur et l’effort du travail bien fait comme y croyaient aussi les gens du 19ème siècle.
L’avènement de cette culture néo-vintage arrive à un moment critique où notre société manifeste son désenchantement du consumérisme et du culte du superficiel. Les gens souhaitent marquer l’histoire dans la création. Et la société elle-même se dirige vers un esthétisme néo-vintage qui puise son inspiration dans les époques victorienne et edwardienne. Au fur et à mesure que cette forme de culture devient publique et reconnue, l’intérêt pour une évolution commune transgresse les registres de la culture conventionnelle et de celle underground et rassemble de plus en plus de personnes à travers le monde. D’ailleurs, il serait inconcevable pour un vrai admirateur du genre steampunk ou du courant néo-vintage de refuser de partager l’exploration du genre avec quiconque serait intéressé de connaître mieux le courant et la communauté.
Dernièrement, il serait très intéressant de remarquer que le courant néo-vintage est considéré comme un acte de rébellion par la jeune génération. Mais, dans un premier temps, le code très formaliste, structuré, poli du néo-vintage, de rébellion ne laisse pas entrevoir cette nouvelle forme de rébellion totalement à l’opposé du cliché du rebelle moderne. C’est une forme de rébellion contre la rébellion. La génération précédente par leur refus exubérant de la société formelle, des bonnes manières et des codes vestimentaires et esthétiques de leurs parents ont engendré le culte du superficiel, un état d’esprit simplificateur et uniformisant. Auparavant signes de la libération des mœurs, le jean et le t-shirt sont devenus les symboles d’une dictature de la standardisation d’un monde où le costume-cravate est considéré inapproprié en dehors d’un environnement de travail. Les passionnés du courant steampunk et néo-vintage refusent le concept de mode et de société. Ils apprécient les vêtements sophistiqués, s’enthousiasment pour les belles choses, goûtent aux plaisirs de la politesse et des salons de thé, et admirent le fonctionnement de la société victorienne. Avec ces valeurs en tête du courant, ils se rebellent contre un monde où porter un costume pour aller faire ses courses est traité d’hérésie. Mais ceux qui s’intéressent à la théorie et à la philosophie du mouvement estiment que la rébellion dans le style des cultures alternatives du 20ème siècle est devenu un nouveau conformisme. En brouillant les codes de la notion de rébellion, les passionnés de cette culture de niche ont la possibilité de révolutionner la vision de l’esthétique et de la philosophie dans la société.
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Encore un article intéressant , merci je vous rajoute dans mes favoris tout de suite 😉