de Marieta Găurean
Dans une période où la littérature roumaine est dominée par l’utilitarisme, le ‘fracturisme‘, le ‘ne m’emmerde pas-isme‘ ou le ‘déprimisme‘, la thèse de doctorat intitulée Des aspects du naturalisme dans la littérature roumaine se propose un retour à la fin du XIXe siècle, lorsque, dans la littérature française et, tout de suite après elle, dans le reste des littératures européennes, y compris celle roumaine, fait son apparition un nouveau courant littéraire, le naturalisme. En plus d’établir les débuts du naturalisme, sa manifestation au niveau universel et national, ses caractéristiques, sa réception critique, le présent travail se veut une radiographie de l’affirmation du naturalisme dans la littérature roumaine dès ses débuts jusqu’à présent.
Le but de cette incursion est de démontrer que ce phénomène, courant, méthode, programme doctrinaire, plateforme littéraire, mouvement artistique ou « Expérience », tel qu’on a appelé le naturalisme au cours du temps, ne s’est pas manifesté qu’à la fin du XIXe siècle, car on peut l’identifier dans chaque étape littéraire, y compris dans la génération deuxmilleiste. Ce travail ne veut pas être exhaustif, car l’espace qui lui est réservé n’en suffirait pas, mais il s’arrête sur des écrivains considérés représentatifs pour leurs périodes littéraires respectives, au sujet de leur filiation avec le naturalisme. Par ce travail nous souhaitons, plutôt, d’attirer l’attention sur le fait que, quoiqu’il n’y ait aucun écrivain pleinement naturaliste dans la littérature roumaine, à une lecture attentive on peut remarquer des éléments naturalistes dans des créations appartenant aux autres courants littéraires. De ce point de vue, ce travail va s’arrêter sur quelques écrivains appartenant au modernisme, aux générations des années 40, 60, 80, 90 et 2000.
La démarche littéraire a suivi le modèle général-particulier. Nous avons commencé par établir la genèse du naturalisme et, implicitement, de son précurseur, Zola, en insistant sur sa conception littéraire, sa réception critique et le rôle que celui-ci a eu en imposant le courant en France. Ensuite, nous nous sommes arrêtés sur le concept de naturalisme, en établissant ses débuts, ses manifestations au niveau national et universel, et ses caractéristiques. Après une brève présentation de ses premières manifestations dans la littérature roumaine, on s’est dirigé l’attention vers quelques périodes littéraires, mentionnées ci-dessus, et vers quelques écrivains considérés illustratifs pour le sujet de notre recherche.
Nous nous sommes proposé de réaliser ce travail parce que, pendant longtemps, le naturalisme n’a pas constitué l’objet des études d’ampleur. En général, les grands écrivains étrangers appartenant à cette orientation ont bénéficié, individuellement, d’éditions complètes, de biographies et analyses critiques, en offrant tels textes et documents extrêmement utiles pour les recherches ultérieures. C’est le même destin que suivent les peu d’écrivains roumains dans l’œuvre desquels on a pu remarquer la parenté avec le naturalisme. Henri Zalis est, peut-être, le seul critique littéraire roumain qui s’est sérieusement et longtemps préoccupé de ce courant et a réussi à grouper ses recherches dans d’amples études. La plus récente tentative appartient à Rodica Ştefan, qui, avec son travail « Naturalisme roumain », essaie de compléter les pauvres études sur la manifestation du naturalisme sur le territoire littéraire roumain.
Le présent travail se veut, lui aussi, un complément aux préoccupations pour l’étude de ce courant dans l’espace littéraire roumain. Tout d’abord, nous nous sommes proposé de clarifier quelques aspects liés à la compréhension du concept de naturalisme, le moment de son apparition, sa manifestation dans de différentes littératures, sa réception critique et, peut-être le plus important, ses aspects dans la littérature roumaine, dès ses premières manifestations jusqu’à présent. On n’est pas sûrs à quel point nous avons réussi à clarifier toutes les doutes que nous avions au début de notre recherche, mais certainement nous avons trouvé une grande partie des réponses et nous avons identifié de nouveaux aspects du courant dans la littérature roumaine.
Du point de vue structurel, ce travail est composé de huit grands chapitres, chacun d’entre eux incluant, à son tour, autres sous-chapitres.
La plupart des discussions sont portées en marge des écrivains tels : Carol Ardeleanu, Bogdan Petriceicu Hasdeu, B.Şt. Delavrancea, I.L. Caragiale, L. Rebreanu, Gib Mihăescu, Hortensia Papadat-Bengescu, G.M. Zamfirescu, Arghezi ou des écrivains de deuxième dégrée, comme C. Mille, V. Demetrius, I. Peltz, Dan Petraşincu et beaucoup d’autres.
Il n’y a que peu de gens qui ont remarqué que le naturalisme connaît une postérité prolongée jusqu’aux années de la contemporanéité, lorsque des prosateurs comme Marin Preda, Zaharia Stancu, Eugen Barbu, Dumitru Radu Popescu, Matei Vişniec, Radu Aldulescu ont franchi, eux aussi, l’espace des expériences naturalistes dans l’ordre de la vision, du traitement des typologies ou de l’écriture.
Notre but a été de montrer que l’influence du naturalisme se fait sentir jusqu’à nos jours, dans des créations lyriques et dans la prose de la génération deuxmilleiste. La présence de l’élément naturaliste dans la littérature deuxmilleiste peut être justifiée par la prédilection des auteurs de cette période pour ce que Paul Cernat appelle « la réalité » sans fard: la furie, la misère, la vulgarité et l’effronterie existentielle des jeunes déboussolés, désabusés, sans espoirs et sans avenir dans la Roumanie de transition. Le vomissement psychique, l’aliénation « déprimiste » et l’expression viscérale en tant que proteste, refuge dans le sexe, alcool, violence et drogues, implication biographique et sociale. Traumas, délire, visions apocalyptiques de cauchemar psychédélique, dérision intégrale et désillusion radicale, retours du refoulé, révoltes œdipiennes, plèbe-isation et vulgarisation ostentatoire. Attitude directe, pragmatique, anti sentimentale, quelquefois brutal-épileptoïde.
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