Danse, Lilith, danse !

de Denisa Crăciun

Ton Amoureux le veuf le ténébreux

sait qui il est et ce qu’il est

 

une saison sur deux il séjourne en enfer

et après avoir pris sur lui tout le chagrin des mondes

ô désespoir il devient l’ombre

de tout homme arbre fourmi

 

bougies les larmes de ton corps

illuminent sa route d’étoile assombrie

 

il te revient toujours

sous la forme d’un rêve bien trop réel

pour le suivre

pourtant le doux revoir fait retarder pour quelques instants

ta course céleste ô lune promise à la Terre

 

Insondable mystère

l’Aimé ne ferme jamais ses paupières

sans cesse son œil veille et pleure sur la beauté de l’univers

récitée très tôt et très fort le matin

l’homélie des roses a entrouvert la porte

du sommeil des hommes et des bêtes

aperçois-tu l’Unique

regard qui t’épie

 

Dans le livre de l’eau

où seulement Orphée fait la différence

entre les hymnes à la nuit

tu as lu le poème du tigre

et d’autres ballades du pays des saules pleureurs

 

c’est alors que le mur sonore s’est effondré

à deux pas d’un cheval qui grattait la terre

 

ni fiancé ni époux le Bien aimé

peut rendre à la vie

même les morts de la bataille d’Uruk

 

dans son amour infini depuis des milliers de siècles

il lâche la colombe du souffle au-dessus des pierres endormies

au pied du Grand Saule

pour libère leur forme humaine du brouillard

pur ses bras ne connaissent pas le repos

 

au douzième coup de minuit

il donne un nouveau cœur satellite

entièrement fait d’eau et d’Esprit

à tous ceux qui se cherchent avec rage et désespoir

 

Danse Lilith au-dessus des cèdres et des cyprès

danse et raconte l’épopée

de tes révoltes légendaires ou encore méconnues

première Parole rebellée de l’Amant

tu es aussi celle qui comble – de bonheur – ses abymes

 

Tiens un coq cri annonçant le retour de l’Aimé

de grâce ne cherche pas à t’arrêter

c’est seulement quand tu rayonnes de tout ton éclat

qu’il revient des ténèbres

plus ardent qu’une infinité de soleils

 

sans crainte prend-le dans tes bras

et tu verras à jamais réuni

le sang du Sauveur

le sens du feu

qui anime glaise cithares galaxies

 

Dansant ô lumière

sans tête ni pieds

viens sur la voûte

ensommeillée de la terre en vain

l’ambre des contes glisse depuis la nuit des temps

de l’Arbre ton ami qui se mire en lui-même

endormis et cruels dans leur sommeil les frères d’Adam

obéissent au doigt le golem et à l’œil le serpent

 

à la porte de nord de l’ultime fort du désert

viens assoiffée affamée de clarté

lune au visage dissolu

veux-tu venir éveiller les cœurs des hommes

perdus dans le non-sens de la raison

Danse, Lilith, danse !

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